L’INPH face aux Risques Psycho-Sociaux à L’HOPITAL PUBLIC en 8 points

L’évolution de l’Hôpital Public sur les deux dernières décennies et surtout depuis HPST est marquée par l’émergence des troubles psycho-sociaux chez les Praticiens Hospitaliers. Ces troubles résultent de risques multifactoriels jusqu’ici peu pris en compte.

L’INPH est sollicité de plus en plus souvent par ses mandants sur ce sujet.

1 – Quelles sont les situations à risque ?

Les situations à risque évoluent soit vers le départ du praticien pour un autre exercice soit vers des états potentiellement graves allant de l’isolement à l’épuisement professionnel.

Ces situations sont jusqu’ici majoritairement tardivement connues ou ignorées donc insuffisamment traitées. Elles peuvent aboutir à des états pathologiques dont les plus graves heureusement rares connaissent des issues dramatiques. A un degré moindre ces états pathologiques peuvent laisser des séquelles importantes professionnelles, physiques ou psychiques qui vont retentir sur la vie à l’extérieur de l’hôpital.

2 – Deux caractéristiques sont communes à ces situations :

La durée souvent très longue avant la recherche de solutions

La méconnaissance du statut du praticien :

L’autorité hiérarchique du praticien est celle qui le nomme et le sanctionne c’est-à-dire la Ministre et par délégation la Directrice générale du CNG.

Il n’existe pas de hiérarchie entre les praticiens hospitaliers.

Le directeur est responsable de l’organisation et du fonctionnement de l’établissement qu’il dirige ce qui lui confère une autorité fonctionnelle vis-à-vis du praticien hospitalier.

Il en est de même pour le chef de pôle et le chef de service qui sont responsables de l’organisation et du fonctionnement de leur pôle ou service.

Les PU PH sont fonctionnaires d’Etat ils sont donc comme tous les fonctionnaires soumis à une hiérarchie. La fonction universitaire ne constitue pas une hiérarchie ou une autorité envers le praticien non universitaire.

3 – Typologie des situations à risques :

- Conditions de travail : démographie et charge de travail, environnement professionnel, permanence des soins…

- Relations interpersonnelles : entre praticiens, entre praticien et chef de service ou chef de pôle…

- Relations avec l’organisation administrative : conflit avec la direction, beaucoup plus rarement avec les services de l’Etat.

- Transformation des établissements : fermeture de service, regroupements d’établissements…

- Evolution de carrière : compétition pour des postes à responsabilité, conflit pour la définition de temps disponible pour des activités transversales…

4 – Signalement : QUI signale une situation à risque ?

- L’intéressé avant tout et le plus tôt possible. La recherche de solution sur des situations bloquées évoluant depuis des mois, voire des années, est difficile.

- Une organisation syndicale, c’est son rôle de lancer l’alerte si le praticien n’est pas à même de le faire : crainte de voir la situation empirer, méconnaissance statutaire, épuisement…

- Le médecin du travail.

- Tout acteur de l’hôpital quand il a connaissance d’une situation à risque de la même manière qu’il doit déclarer un évènement indésirable grave.

– Destinataire du signalement d’une situation à risque.

C’est ici que se pose la question du niveau d’adressage du signalement. La dangerosité tient au délai de signalement :

- Le premier niveau doit être local, le premier interlocuteur est fonction de la situation à risque et du niveau de conflit : ce niveau devrait pouvoir être sauté si le conflit se situe au niveau supérieur de la gouvernance de l’établissement :

  •  L’organisation médicale de l’établissement : chef de service chef de pôle, président de CME, affaires médicales, directeur
  •  L’organisation syndicale de praticien hospitalier
  •  Le médecin du travail

Le plan d’attractivité proposé par la ministre prévoit la création d’une sous-commission de la CME pour instruire et traiter ces situations (engagement n° 11). La description des missions de la CME est du niveau décret. Le règlement intérieur de la CME peut décrire cette commission mais il doit être conforté réglementairement sur ce point.

- Le second niveau est régional :

Il entre dans les missions de la CRP (commission régionale paritaire) de traiter des situations à risques psycho sociaux. Elle peut être sollicitée par le praticien hospitalier ou tout autre acteur hospitalier qui en fait la demande auprès du CNG (centre national de gestion) ou du directeur général de l’ARS. Le CNG ou l’ARS peuvent confier à la CRP une mission de conciliation en matière de gestion des praticiens ou de prévention des conflits.

- Troisième niveau est national :

La DGOS, le CNG et le cabinet peuvent être saisis directement de questions particulièrement aigües qui mettent en jeu le fonctionnement de l’établissement ou la sécurité des personnes. Ces structures déclencheront une mission d’enquête dont la configuration leur appartient. La ministre en charge de la santé peut solliciter l’IGAS pour cette enquête.

– Corrections Possibles ?

Dans certains établissements, trop rare, ces actions de correction existent. A nous de faire en sorte qu’ils se généralisent sur l’ensemble des hôpitaux publics.

- Au niveau local :

Conciliation interne : sous-commission ad hoc issue de la CME. Elle permet l’écoute des protagonistes, l’évaluation du problème posé, désignation d’un rapporteur qui décrira devant la sous-commission la situation à risque et les propositions de pistes d’actions. Ces actions feront l’objet d’un choix établi sur l’utilité la faisabilité et l’acceptabilité des actions.
Ces actions devront être acceptées par les protagonistes et seront évaluées à court, moyen et long terme pour apprécier leur succès ou échec.
En cas de refus immédiat ou d’échec des actions la délocalisation du traitement devrait être prononcée dès leur constat.

- Au niveau régional :

Transmission à la CRP (commission régionale paritaire), mis en œuvre de la sous-commission chargée de la conciliation et de la prévention des conflits :
La démarche est la même qu’au niveau local : un ou plusieurs rapporteurs, proposition de pistes d’actions qui feront l’objet d’un choix et d’un plan d’action.
Particularités du niveau régional :
Possibilité d’appui par un médecin inspecteur de santé publique de l’ARS
Possibilité d’avis d’aptitude du comité médical
Interrogation sur la constitution d’élément relevant de l’insuffisance professionnelle ou du niveau disciplinaire.

Le plan d’action proposé peut dépasser les limites de l’établissement : proposition de mise à disposition ou de poste en surnombre dans un autre établissement.
Le plan d’action est accepté ou refusé. La mise en œuvre du plan d’action est évaluée.
Le refus ou l’échec du plan d’action conduisent au niveau national.

- Au niveau national :

L’échec de la conciliation aux niveaux local et régional conduisent au niveau national : Information CNG, DGOS, Cabinet :
Décision mission IGAS ou mission CNG.
La lettre de mission doit être précise en termes de périmètre et de délai d’exécution.
Les plans d’action peuvent avoir une dimension nationale.
Les questions de l’aptitude par le comité médical, l’insuffisance professionnelle ou d’une démarche disciplinaire peuvent être traitées.

 

– Plans d’Actions :

Les actions correctives de niveau régional et national des situations à risques doivent être inventoriées avec plus d’ouvertures et de précisions qu’aujourd’hui :
Par exemple, il est nécessaire de :

  1. Clarifier les profils de poste, le décompte du temps de travail et l’organisation de la continuité et la permanence des soins.
  2. Accompagner de façon psychologique ou comportementale les individus et les équipes,
  3. Favoriser les mobilités,
  4. Multiplier les formations et reformations,
  5. Solliciter les fonctions transversales et les fonctions de responsabilités (attribuées de manière transparente et anticipée…)

– Synthèse de L’INPH

Les situations à risques psycho-sociaux sont fréquentes à l’Hôpital public dont le fonctionnement repose surtout sur les rapports entre individus.

Ces rapports sont complexes entre les praticiens hospitaliers aux statuts différents, participant à la fonction publique sans hiérarchie entre eux.

Les liens des Praticiens Hospitaliers sont également complexes avec les agents de la fonction publique hospitalière (les rapports hiérarchiques sont différents).

Rappelons que la Loi HPST a retiré aux responsables médicaux l’autorité fonctionnelle qu’ils détenaient vis-à-vis des soignants.
Les Praticiens Universitaires sont des fonctionnaires d’Etat : ils sont soumis de manière complexe à une double réglementation qui crée des difficultés de gestion supplémentaires.

Les situations à risques doivent être impérativement être connues et traitées le plus précocement possible.

Que ce soit au niveau local, régional et/ou national, l’accompagnement syndical est indispensable et il faut engager les praticiens à saisir nos instances le plus tôt possible dans de telles situations.

La gestion prévisionnelle des emplois et compétences des praticiens hospitaliers est un élément majeur de la prévention des conflits. Elle repose sur une évaluation positive des situations et une construction plus modulaire de la carrière du praticien.

Ces évolutions appellent à une révision profonde du statut du Praticien Hospitalier dont l’attractivité devrait reposer sur un meilleur équilibre entre sécurisation et dynamisme.

L’INPH appelle fortement la Ministre à ouvrir cette révision statutaire.

Colloque INPH  "LES GHT : DE LA THEORIE A LA PRATIQUE"
mercredi 21 septembre 2016 à l'Assemblée Nationale à Paris
en présence de Marisol Touraine, Ministre de la Santé

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Docteur Rachel BOCHER
Présidente de l'INPH
Docteur Alain JACOB
Délégué général de l’INPH